Contre vents et marées, libre toujours
- Cathy BOU

- 21 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 juil.
Ici, maintenant, tout de suite, je dois sortir, sortir de cet enfer, une prison non, pire qu'une prison !
La frontière entre la réalité : cette salle sombre où des âmes en peine tournent autour de cette cahute et ma tête, ces pensées en boucle; cette sordide réalité - je suis internée.
Parfois attachée au lit, violentée par des soignants zélés qui veulent sauver ma vie de fêlée à tout prix.
Parfois libre dans les couloirs gris et pourtant prisonnière.
A vous toutes et tous, je vous dis "merde", je ne vous salue pas, vous avez enfermé mon esprit, martyrisé mon âme par vos mots si piquants si tranchants. Et maintenant, j'erre dans ce pavillon, la savate languissante sur le sol carrelé et suranné.
A 7h00, la dose d'Aripriprazole altère mon énergie et permet une vie "ordinaire", plus de sport, plus de rire joyeux, une vie terne; stable me rétorque le psychiatre.
La journée s'étire patiente devant mon impatience, je passe du lit au bureau, du bureau à la table. Mes savates glissent avec ce bruit caractéristique de la phase de dépression pendant que mon cerveau s'emballe, caractéristique de la phase de manie.
Le lendemain, 7h 00 encore cette dose et l'énergie qui s'enfuie, se colle dans mon bas ventre.
Je vous dis "merde", vous m'avez condamnée à prendre 50 kilos qui pèsent comme le boulet du prisonnier de Cayenne, lourd et inerte.
Mes pieds n'ont plus la force de le soulever. Ils fuient sur le carrelage glissant.
Mes genoux fléchis par le poids craquent de douleur et ne se lèvent plus.
Chaque jour 7h00, je me heurte à cette dose, douloureux rappel de ce fameux 14 ou 18 novembre 2006, que sais- je ?
Abandonnée, enfermée dans cette institut faite pour sauver les gens. Lesquels ? ceux qui observent impuissants et effacent de leur vue les malades mentaux pour faire comme si tout aller bien. Où ceux qui souffrent de ces hauts et de ces bas, qui ne peuvent plus se battre pour survivre et veulent en finir.
En finir avec la douleur, en finir avec le regard assassin de ceux que ça dérange, en finir avec cette dose qui bloque tout.
Je vous dis "merde" pour vos regards, vos mots, vos injonctions, vous avez fait de moi ce monstre, oui, ce monstre enfermé dans ce corps difforme, obèse et cet esprit confus et malade.
Je vous "hais" ! ....et je vous "aime", vous avez fait de moi ce que je suis, maintenant, cette femme forte, humaine, sensible et vulnérable qui peut sans sourciller vous dire "merde", s'en ficher de vos regards, de vos jugements et de vos longs silences.
Derrière les barreaux de la maladie mentale, je suis libre.
J'ai couru, plusieurs fois, pour échapper aux soignants, ils m'ont toujours rattrapée. La violence pour sauver ma vie a laissé des traces plus profondes que la mort elle même. Pour qui sauve-t-on de la mort ?
Je vous dis "merci", vous m'avez sauvé la vie et je sais ce que j'en fais aujourd'hui.
J'en fais librement ce que je veux, c'est ma vie elle m'appartient.
Je peux vous dire ce que je veux et quand je veux.
Je peux faire ce que que je veux et quand je le veux
Je suis libre de la maladie mentale grâce à cette pilule quotidienne et surtout ma détermination sans faille à vivre avec elle et sans elle.
A 7h, demain, je prendrai ma dose et je serai libre et heureuse enfin.
Contre vents et marées, libre toujours
Merci à toutes et à tous.

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