la pépite du jour Quand, eux, l’autre te prend tout
- Cathy BOU

- 2 juil. 2019
- 2 min de lecture
Le 25 juin 2019, il est 15h00, le chauffeur du uber me dit, madame, la France y a plus rien de beau ; il a un accent prononcé mélangé aux intonations de Marseille, il est basané, rasé, grand baraqué, les lunettes de soleil, il essaie d’être charmant mais il ne l’est pas à mes yeux, je pourrais terrer dans mon silence, mais non je suis polie courtoise et patiente, alors nonchalante et lascive, je lui réponds - cela dépend où vous regardez. Et, sans attendre sa réaction, je tourne la tête, admirant les mats des bateaux, et les éclats de la mer luisant au soleil du port de Marseille, à travers la vitre teinte du Talisman noir indécent, que je prends parce que, je suis épuisée. - Excusez-moi madame, reprend-il, vraiment excusez-moi, mais vous trouvez normal que quelqu’un doive avoir deux emplois pour s’en sortir ? Vous voyez moi j’ai deux employeurs et je m’en sors pas ! Vous comprenez, madame, ces gens qui se servent des aides, c’est plus possible Ola j’aurais dû me taire, me pensais-je en soulevant mes cheveux pour rafraîchir ma nuque raide et bouillante, mais paradoxalement, je lui réponds : - vous êtes sûr que ce sont les gens qui profitent de 500 euros qui font que vous n’y arrivez plus ? Le chauffeur lâche le volant, se frotte les deux mains nerveusement et me rétorque avec un air faussement contrit : - Excusez-moi madame, excusez-moi madame, oui j’en suis sur vous savez avant l’euro… Ah et voilà retour dans le passé, je sens que le voyage va être intéressant, je sens que je vais découvrir quelque chose d’authentique et inattendue. - J’habitais un appartement social dans la banlieue et je dormais pas ; le gars à côté il travaillait pas et il écoutait tard de la musique ; excusez-moi madame, vous voyez c’est pas supportable, moi, je travaillais et je voulais être reposé alors j’ai dû changer et prendre un loyer, ailleurs, plus cher et peuchère presque le double. Toujours silencieuse, je m’interroge comment peut-on utiliser peuchère avec un loyer double, je souris intérieurement de ma blague. Il continue dans sa lancée, - et moi je dois payer des impôts plus chers pour que, eux, ils en profitent. Toujours, voire de plus en plus lascive, je lâche presque en murmurant : - moi c’est l’évasion fiscale qui me dérange le plus. Ah madame, excusez-moi, vous les connaissez pas, moi, je sais, je les ai vus avant l’euro dans la banlieue, ils bossent pas et ils font du bruit. C’est plus possible, madame, moi, tu sais je suis né en France, ma mère est algérienne, mon père, italien et moi, je dis, faut plus les laisser rentrer nous piller. J’ouvre la portière, descends et attends sagement mes bagages à l’arrière de la voiture, je n’aurais pas à répondre et pour cause, il m’a laissée sans voix ! Cathy BOU


Commentaires